Adossé contre une vitrine, cachant partiellement le message qu'elle délivrait, Brian, la tête baissée, fouillait consciencieusement les poches de son jean.
Il en sortit tour à tour un paquet de feuilles, dont il en sortit une, puis un paquet de filtres, dans lequel il piocha un des minuscules rondins blancs avant de le porter à sa bouche pour le coincer entre ses lèvres. Toujours dans la lenteur, il rangea les deux paquets dans ses poches avant, après quoi il en sortit en troisième de sa poche arrière. Et, tranquillement toujours, il se mit rouler sa cigarette, traduisant par son attitude le geste répété des centaines, des milliers de fois.
Un coupe de langue, un collage rapide et sûr et Brian porta la cigarette à sa bouche, fouilla de nouveau dans une de ses poches, et en retira cette fois ci un zippo. Une grand flamme vint caresser le bout de la cigarette, et dans un grésillement sourd le jeune homme aspira la première bouffée de la quinzième cigarettes de sa journée.
Il venait quasiment de finir sa quatorzième quand il était tombé sur ces tags écrit à la va vite sur les vitres des magasins de la rue. Ce n'est qu'après les avoir lus qu'il avait de nouveau ressenti le besoin de nicotine, le besoin d'apaiser son cerveau qui ne voulait absolument pas réfléchir à ça, envisager un futur aussi sombre.
Non, il ne voulait pas y penser, parce qu'il ne se sentait de toute façon pas inclut dans quelque communauté que ce soit, ni celle des gays, et encore moins celle-la. Et pourtant, oui, pourtant, il savait au fond de lui-même qu'il en faisait bien partie, et que son appartenance à l'une comme l'autre de ces communautés ne changerait jamais.
Relevant le tête, sa cigarette en main, il aperçut à quelques mètres à peine quelqu'un d'autre qui, lui aussi, lisait ce message du "Front de Libération des Mutants".
Dans un élan de lassitude plus que de sociabilité, Brian lança à l'inconnu :
- Vous y croyez, vous ?Il toussota, tira une nouvelle fois sur sa cigarette et poursuivit :
- Je veux dire ... vous pensez que ça se passera comme ça ? Une nouvelle sorte de Shoah ?Et même si son ton transpirait le cynisme, Brian commençait à se sentir concerné.